SCENE 45 : « Mademoiselle Lee Ling »
SCENE 45 : « Mademoiselle Lee Ling »
LE COMTE DE LA BOUCHE-EN-BIAS, toujours agenouillé
Nous coulions des jours tranquilles, Juliette et moi, au printemps de cette année-là. Le « Champinelle » coulait à flot…
MADEMOISELLE LEE LING, surgit, tenant un plateau sur lequel repose une coupe de vin
Monsieur le Comte parle beaucoup trop et agit peu.
LE COMTE DE LA BOUCHE-EN-BIAIS, se relève
Un instant, Lady Jane… je crois bien que quelqu’un m’adresse la parole !? (S’adressant à Mademoiselle Lee ling) Plait-il ?
MADEMOISELLE LEE LING, lui tend le plateau sur lequel reposent une bouteille de vin et une coupe
La Segnorita vous attend à la Fontaine du Roi. Prenez votre coupe de « Champinelle » ! La « Garden Party » va commencer.
LE COMTE DE LA BOUCHE-EN-BIAIS
Qui ? Que ? Quoi ?
MADEMOISELLE LEE LING, lui tend la coupe de vin
Je suis la nouvelle servante de Monsieur Louis. Servez-vous !
LE COMTE DE LA BOUCHE-EN-BIAIS, lui remet sa canne et se saisit de la coupe de vin tout en parlant au téléphone
Prenez ma canne ! (S’adressant au téléphone) Une personne vient de m’offrir une coupe de Champinelle, Lady Jane,… j’ignore qui elle est ?… mais une chose est sûre, ce délicieux vin qui provient de ma propriété viticole fit les beaux jours de Maison-Du-Bois doré au siècle dernier… à l’époque, Juliette en personne était chargé de servir les invités qui se bousculaient dans l’auberge de la Licorne afin d’être témoin des fiançailles de Roberto… celui-là aussi a disparu de la circulation… je n’ai plus de ses nouvelles depuis le milieu du printemps… bon débarras !... Roberto et sa compagne de toujours ont séjourné au château tout l’hiver et une bonne partie du printemps… il a fallu que je m’y prenne à plusieurs reprises pour les mettre à la porte… ils devenaient encombrant à la fin…
MADEMOISELLE LEE LING
En route, Monsieur ! La Segnorita vous attend à la Fontaine du Roi.
LE COMTE DE LA BOUCHE-EN-BIAIS
Un instant, Lady Jane, je dois à causer avec Mademoiselle qui ne veut plus me lâcher les baskets... je n’en ai pas encore tout à fait terminé avec les tribulations de Juliette « for ever » qui a chamboulé « my life »… (S’adressant à Mademoiselle Lee ling) Qui êtes-vous et que faites-vous sur mes terres, Mademoiselle ?
MADEMOISELLE LEE LING
Je suis Mademoiselle Lee Ling. Dépêchons-nous, Monsieur le Comte, Mademoiselle tombe de sommeil ! Si Monsieur veut bien me suivre…
LE COMTE DE LA BOUCHE-EN-BIAIS, la coupe dans une main et le téléphone dans l’autre main
Bon sang ! Mais que voulez-vous exactement ? Je vous préviens, je n’ai pas d’argent sur moi. A l’aide ! A l’aide ! Quelqu’un m’agresse dans ma propriété.
MADEMOISELLE LEE LING, lui frappe sur la tête avec la canne
Taisez-vous, Monsieur le Comte !… vous allez réveiller le prince charmant du château. Suivez-moi, je vais vous conduire jusqu’à Madame...
LE COMTE DE LA BOUCHE-EN-BIAIS, s’adressant au téléphone
Un instant, Lady Jane… j’ai un problème à régler de toute urgence… surtout, ne raccrochez pas… j’ai encore beaucoup de chose à vous raconter sur mon idylle avec Juliette... (S’adressant à Mademoiselle Lee Ling) Que faites-vous dans les allées de mon château, Mademoiselle Lee Ling ? Personne ne vous a autorisé à pénétrer chez moi que je sache. Dehors !
MADEMOISELLE LEE LING, lui frappe sur la tête avec la canne
Silence, Christophe Rodolphe David Miguel Charles Henri René Christian Bernard Ange de la Bouche-En-Biais…
LE COMTE DE LA BOUCHE-EN-BIAIS
Comte de Maison-Du-Bois doré… C’est bien moi ! Encore une fois !
MADEMOISELLE LEE LING
Sûrement pas, Monsieur. L’évocation de tous vos prénoms patronymiques me file le bourdon.
LE COMTE DE LA BOUCHE-EN-BIAIS, dépose la coupe sur le plateau et lui arrache la canne des mains.
Rares sont celles ou ceux qui soient capables de prononcer tous mes prénoms, et qui plus est, dans l’ordre baptismal. Vous êtes une espionne, c’est bien cela ?
MADEMOISELLE LEE LING
Je suis la nouvelle servante chinoise de Monsieur Louis. C’est moi qui vais chauffer la salle pendant la « Garden party ». En vérité, je suis au petit soin de la Segnorita Paquita. Monsieur a réduit le personnel du château faute de moyen, Monsieur n’avait plus les moyens de le payer. C'est-à-dire que nous sommes en temps de crise, Monsieur le Comte « et j’en passe »… en période de vache maigre comme dit si bien Monsieur… alors il faut se serrer la ceinture, comprenez-vous ?
LE COMTE DE LA BOUCHE-EN-BIAIS
Pas vraiment.
MADEMOISELLE LEE LING
Quant à moi, j’occupe tous les postes à présent. Mon contrat d’embauche a été légèrement modifié. Autrefois, j’étais en contrat « CDI » à durée indéterminé. Et maintenant, je suis passée en contrat « CSJEP », c'est-à-dire en « Contrat Sans Être Jamais Payé ». Je remplis plusieurs postes à longueur de journée. Mon patron réfléchissait depuis plusieurs mois à ce type de contrat afin de venir à bout de la crise, s’assurant ainsi une tranquillité d’esprit afin de mener à bien sa quête.
LE COMTE DE LA BOUCHE-EN-BIAIS, lui frappe sur la tête avec la canne
Taisez-vous, Mademoiselle Lee ling ! Vous me raconterez votre vie une autre fois. Pour l’heure, je souhaiterais aller me coucher. Repassez demain, je verrai ce que je peux faire pour vous. Un instant… il doit bien me rester quelques centimes d’euro dans le fond de la poche de mon peignoir. (Il fouille dans ses poches)
MADEMOISELLE LEE LING, pointe du doigt son peignoir
Monsieur le Comte ne devrait pas secouer autant ses oripeaux, ils risqueraient de tomber en lambeaux.
LE COMTE DE LA BOUCHE-EN-BIAIS, lui tend sa canne, puis se déhanche dans tous les sens à la manière d’un rocker
Oripeaux, dites-vous, oripeaux ! Figurez-vous, ma chère, qu’il s’agit-là d’une pièce de collection rarissime achetée à prix d’or lors d’une exposition à Memphis et ayant appartenue au « King » !!! Certes, il est vrai que j’ai un mal fou à m’en s »parer, mais que voulez-vous, à l’idée de savoir que le « King » a sué de toutes ses entrailles sous ce peignoir, cela me donne du « Peps » pour affronter la vie et les combats de chaque jour !!! (Il se déhanche à la manière d’un rocker)
MADEMOISELLE LEE LING, lui frappe sur la tête
Il n’est pas nécessaire de vous mettre dans un pareil état, mon « Cristounet », je vous crois sur parole !
LE COMTE DE LA BOUCHE-EN-BIAIS, lui arrache la canne des mains
Comment ça, mon « Cristounet » ?
MADEMOISELLE LEE LING
N’est-ce pas ainsi que tout votre fan club vous surnomme, Monsieur le Comte ?
LE COMTE DE LA BOUCHE-EN-BIAIS, la menace avec la canne
Vous m’espionnez, c’est bien ça ?
MADEMOISELLE LEE LING
Je préfère prononcer « Mon Cristounet » plutôt que toute la liste de vos aïeux qui me filent le bourdon.
LE COMTE DE LA BOUCHE-EN-BIAIS
Vous m’espionnez, j’en suis convaincu !
MADEMOISELLE LEE LING
C’est la Segnorita qui me l’a dit dans le creux de l’oreille.
LE COMTE DE LA BOUCHE-EN-BIAIS
Qui ça ?
MADEMOISELLE LEE LING
La femme de Monsieur Louis.
LE COMTE DE LA BOUCHE-EN-BIAIS
Je ne comprends plus rien à votre histoire ?
MADEMOISELLE LEE LING
Moi non plus.
LE COMTE DE LA BOUCHE-EN-BIAIS
Je crois bien que vous avez des explications à me donner. Dépêchez-vous, on ne va pas y passer la nuit.
MADEMOISELLE LEE LING
Monsieur Louis est le nouveau propriétaire du château de Versailles et la Segnorita est la huitième femme de Monsieur qu’il vient d’épouser.
LE COMTE DE LA BOUCHE-EN-BIAIS
Cela me fait une belle jambe !
MADEMOISELLE LEE LING
Or, la Segnorita ne supporte plus Monsieur depuis six jours, depuis que celui-ci lui a passé la bague.
LE COMTE DE LA BOUCHE-EN-BIAIS
Ce sont leurs oignons.
MADEMOISELLE LEE LING
Oui mais voilà, il se trouve que la Segnorita a jeté son dévolu sur Monsieur le Comte.
LE COMTE DE LA BOUCHE-EN-BIAIS
Et que suis-je sensé faire à ce moment là ?
MADEMOISELLE LEE LING
Vous rendre à la fontaine du Roi pour faire connaissance avec la Segnorita.
LE COMTE DE LA BOUCHE-EN-BIAIS
Je ne comprends plus rien. Où sommes-nous exactement ?
MADEMOISELLE LEE LING
Dans les allées du château de Versailles.
LE COMTE DE LA BOUCHE-EN-BIAIS
Je me disais bien qu’il n’y avait pas d’ifs dans les allées de Maison-Du-Bois doré. (Il réfléchit un instant) Vous plaisantez, j’espère ? Dites-moi que c’est une farce !
MADEMOISELLE LEE LING
Pas du tout, pas du tout, « mon Cristounet », vous vous trouvez bien à Versailles.
LE COMTE DE LA BOUCHE-EN-BIAIS
Non d’une pipe ! Comment se fait-il que je sois à Versailles alors que je suis sensé me trouver logiquement dans le Midi de la France ? Quelque chose ne tourne pas rond !? Il s’agit d’une farce, n’est-ce pas ?
MADEMOISELEL LEE LING, l’entraîne avec le bras plus loin
Allons-y ! La Segnorita sera enchantée de faire votre connaissance.
LE COMTE DE LA BOUCHE-EN-BIAIS, parle à son portable
C’est incroyable ce qui m’arrive, Lady Jane : Figurez-vous que j’ai été télé porté à l’insu de mon plein gré du Midi de la France via Versailles en l’espace de quelques secondes… et que j’ai rendez-vous avec Madame la châtelaine… la femme de Monsieur Louis… le prince charmant… j’en suis tout ému… à tel point que mon pantalon est trempé… cela me rappelle mon idylle avec Juliette quand elle a versé mon verre sur ma chemise…
Le Comte quitte les lieux, entraîné par Mademoiselle Lee Ling…
FIN DE LA SCENE 45